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REPORTAGE. Côte d’Ivoire : la longue attente pour l’eau courante en banlieue d’Abidjan

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Les habitants du bidonville de Yopougon attendent l'arrivée de l'eau courante avec impatience

Grâce à l’ONG Eau et Vie, les 2100 habitants de l’un des bidonvilles d’Abidjan vont avoir l’eau courante dans quelques mois. Deux ans après l’annonce, l’impatience grandit. Eau et Vie, dont le siège est à Nantes, s’engage dans les quartiers précaires de mégalopoles, depuis dix ans, aux Philippines, au Bangladesh, et maintenant en Côte d’Ivoire. Particularité : l’ONG associe toujours étroitement les habitants à ses actions.

« Ça vient quand ? », s’enquiert Clémence Kohou, 62 ans, auprès des agents d’Eau et Vie qui sillonnent son quartier. Cette habitante du bidonville de Yopougon, en banlieue d’Abidjan, montre les deux bidons vides postés devant sa maison : « Il n’y a pas d’eau, on est fatigués. » Voilà deux ans que l’ONG est implantée à « Gbamnan Djidan 1 », un quartier populaire d’Abidjan. « Ils aimeraient que ça se réalise maintenant, pour leur bien-être »,explique Marcelin Djahan, qui fait l’intermédiaire entre les habitants et l’ONG, qui siège à Nantes (Loire-Atlantique).

Revendeurs illégaux et tuyaux frauduleux

Les négociations d’un an et demi avec la Sodeci, la société de distribution d’eau en Côte d’Ivoire, ont retardé les travaux. En attendant la mise en place de l’eau courante au printemps 2019, l’impatience règne et les 2 100 habitants n’ont d’autre choix que la débrouille. Des revendeurs illégaux ont installé des tuyaux frauduleux sur le compteur d’eau du quartier. Ils facturent 7 centimes le bidon de 20 litres ou 3 € par mois le robinet parallèle chez soi.

Mais les coupures sont fréquentes et paralysent les habitants, comme Clémence qui ne peut pas faire sa lessive. En pleine rue, un bambin reçoit une fessée pour avoir trempé un morceau de bois dans un seau d’eau, salissant la précieuse réserve familiale.

Illégal, le système est en outre dangereux. Les tuyaux, à peine enfouis sous terre, sont parfois percés par les voitures et infiltrés par les eaux usées. « L’eau est source de vie, ça va changer beaucoup de choses », espère Clémence.

Formation à l’hygiène

L’ONG prépare activement l’arrivée de l’eau courante avec de nombreux projets de sensibilisation. L’an dernier, les enseignants de l’école Offoumou Yapo ont reçu une formation à l’hygiène, lors des cours d’éducation civique. « Avant, mes parents oubliaient tout le temps de se laver les mains avec du savon, mais maintenant c’est moi qui le leur rappelle », raconte Michel, élève de CM2. « Le comportement des enfants a changé, se félicite le directeur N’Guessan Yapi. Parfois, ils viennent me signaler qu’un camarade a jeté un papier par terre. »

Mais si Eau et Vie a apporté du matériel, elle « n’a pas vocation à fournir régulièrement des stocks de savon », glisse Marjorie Thimon, à propos du directeur qui lui adressait une « doléance ». « On va plutôt se demander comment il peut en avoir régulièrement », poursuit la responsable de l’antenne locale.

Travail étroit avec l’État

Quelques ajustements de principe restent donc à revoir pour ancrer l’action d’Eau et Vie dans le temps. D’ici six à dix ans, l’ONG doit rétrocéder la gestion de l’eau à l’État, avec lequel elle travaille étroitement. Elle a également négocié avec la Sodeci une facturation hebdomadaire et non trimestrielle comme c’est le cas dans le pays.

Deux journées de nettoyage ont également permis aux habitants « de tisser des liens », se réjouit Oumou Traoré, présidente d’une association de femmes. « Les gens prennent l’habitude de balayer, et même si tout le monde n’aide pas, la mentalité du quartier a changé », assure-t-elle, malgré les nombreux déchets qui jonchent encore les rues. Une montagne d’ordures s’est d’ailleurs formée devant chez Zeynab et Lala Maïga. « Ils viennent les déposer la nuit, on ne sait pas pourquoi, mais nos enfants jouent ici à quatre pattes ! », se plaignent-elles. Certains habitants refusent ainsi de cotiser pour la collecte des déchets.